Benoît Dandine, notre coopérateur du sud-ouest de la France est de nature généreuse. Il synthétise ici une partie du guide méthodologique qu’il a rédigé pour faciliter l’innovation dans les entreprises de la filière Bois en Nouvelle Aquitaine dans le cadre du projet européen COOPWOOD. Aux PTE et PME de s’en saisir. Et pour contacter Benoît, c’est ici.
La Chambre de Métiers & de l’Artisanat des Pyrénées-atlantiques a missionné récemment AIR Coop pour animer des ateliers de sensibilisation à l’innovation pour les petites entreprises de la filière Bois (charpentiers, menuisiers, ébénistes…).
Cette filière représente en effet plus de 800 entreprises en Nouvelle-Aquitaine avec des dirigeant(e)s passionnés par leur métier mais qui innovent peu du fait de 4 freins principaux :
1 – la difficulté à sortir de la production et donc à pouvoir passer du temps à des actions non immédiatement rentables
2 – une méconnaissance des leviers financiers institutionnels pour faciliter une prise de risque
3 – une méconnaissance des structures d’appui technique dans leur filière
4 – une difficulté à penser « autrement » pour imaginer des produits/services vraiment différents
Rappelons l’innovation est un excellent levier pour :
– conquérir des parts de marché
– devenir le leader d’un marché émergent
– mobiliser ses salariés autour d’un projet commun
– se donner des marges pour exporter
– faire face aux changements de comportement des clients
– répondre aux grands enjeux sociétaux du 21e siècle (changement climatique, diminution de la biodiversité, augmentation des inégalités sociales…)
Mais tout d’abord, il est important de rappeler la définition officielle de l’Innovation car en général, en France, quand nous pensons Innovation nous pensons Technologie.
C’est se limiter fortement dans la recherche de nouvelles solutions.
L’immense majorité des innovations développées aujourd’hui ne résulte en effet ni de l’application d’une découverte scientifique, ni d’une invention d’une technique nouvelle.
I. Définition de l’innovation
La définition officielle du terme Innovation est donnée par l’Organisation de Coopération et de Développement économiques (OCDE) qui est une organisation
internationale réalisant des études économiques pour la plupart des pays développés.
Une innovation est la mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures.
L’innovation est donc MULTIPLE, elle ne se limite pas à inventer un nouveau matériau ou une nouvelle technologie.
Le changement de modèle économique des compagnies aériennes Low-cost est donc considéré comme une innovation.
Cela ouvre donc le champ des possibles !
Nous pouvons aller encore plus loin dans la caractérisation du degré d’innovation.
II. Les 4 degrés de l’innovation
Il est possible de qualifier un projet innovant en 4 niveaux.
L’intérêt principal étant de pouvoir définir une stratégie en fonction de la volonté, des compétences internes et des moyens de l’entreprise.
Car innover ne s’improvise pas.
Beaucoup d’échecs sont liés à une mauvaise préparation en amont et une sous-estimation des besoins en temps et en argent.
Niveau 1 : l’innovation « quotidienne »
Le point de départ de l’innovation dans une petite entreprise relève le plus souvent d’un processus informel « à la marge » de l’activité principale, où le dirigeant et ses collaborateurs testent de petites améliorations.
«Face au problème, on réfléchit, on regarde, on réalise de nouvelles combinaisons d’outils, de matières premières…»
Dans la plupart des cas, pas de recherche ni de business plan.
« On commence par essayer pour voir ce qui pourra le mieux répondre aux attentes explicites ou implicites de tel ou tel client. »
L’innovation « quotidienne » peut paraître mineure, car elle ne mobilise pas de ressources ni de connaissances nouvelles dans l’évolution des prestations proposées au client.
Elle constitue pourtant une voie d’apprentissage et de performance majeure sur chacun des gestes de l’entreprise, chacune des commandes reçues.
Niveau 2 : l’innovation d’appropriation
Compte tenu de leur taille et de l’importance de la technologie dans leur production, les petites entreprises de production sont souvent dominées par des fournisseurs qui leur imposent des changements technologiques.
Le dirigeant doit constamment se tenir informé sur les produits, les matériaux, les nouveaux services, etc. pour évaluer s’il décide de se les approprier avant les autres.
Ces innovations « d’appropriation » peuvent permettre de se différencier fortement et/ou de dégager des nouvelles marges importantes (financières, en temps, en ressources humaines…)
Niveau 3 : l’innovation « sur-mesure »
Les demandes des clients sont l’une des principales sources d’idées de développement de produits ou de services nouveaux.
La nécessité de résoudre un problème singulier implique de s’engager dans un processus d’exploration et d’expérimentation et de consacrer un effort important pour acquérir des connaissances nouvelles.
L’activité de conception y est forte et elle requiert de la créativité et de l’ingéniosité de la part du dirigeant, de son équipe voire de son réseau de fournisseurs et de partenaires.
Mais cette activité n’est en général ni formalisée, ni standardisée.
La limite de l’activité sur-mesure est donc son faible impact sur le marché.
Ces expérimentations à échelle réduite peuvent se révéler positives à terme si les compétences acquises sont redéployées vers des clients ou des produits nouveaux ou débouchent sur des activités routinières.
Niveau 4 : l’innovation de rupture
L’innovation de rupture aboutit à une innovation dont l’impact sur l’activité de l’entreprise et son environnement concurrentiel est très important.
Ce type d’innovation est rare mais « change les règles » du métier.
L’entreprise doit dans ce cas, en effet, explorer de nouvelles connaissances pour innover en s’appuyant sur l’exploration, l’expérimentation en interne et la mobilisation de nouveaux partenaires (consultants, laboratoires de recherche, start-ups, écoles d’ingénieurs….).
A la différence du sur-mesure, l’entreprise ici ne s’arrête pas à un prototype unique mais met en oeuvre un processus d’innovation qui aboutit à une production et à une commercialisation d’un nouveau concept et donc la création d’un nouveau marché.
Nous pouvons synthétiser ces 4 niveaux par le schéma suivant.
Tourné vers l’expérimentation dans le mobilier contemporain, Steven LEPRIZE a inventé le Airwood ou bois gonflable.
La technique consiste à apposer de la marqueterie sur une matière souple, permettant ainsi de déformer le bois grâce à l’injection d’air.
Depuis peu, un autre concept a vu le jour, le WooWood, un système de rangement par des poches élastiques recouvertes de marqueterie de bois à la manière d’un textile.
ARCA Ébénisterie dépasse ainsi le champ classique de l’ébénisterie en imaginant des solutions artisanales ou industrielles pour des entreprises de secteurs très différents allant de l’aviation à l’industrie textile.
Pause vidéo ! https://youtu.be/hFUNfqEDEQw
III. Le financement de l’innovation
Nous avons la chance d’habiter en France (et en Europe) où de nombreux dispositifs financiers peuvent être sollicités pour nous aider à innover.
Encore faut-il les connaître et utiliser les bons « mots-clés » pour finir en haut de la pile…
Voici un schéma qui résume quand et qui solliciter pour une aide financière pour votre projet innovant.
Sur ce schéma n’apparaissent pas les incitations fiscales comme le Crédit Impôt Innovation (CII), le Crédit Impôts Recherche (CIR), le statut Jeune Entreprise Innovante (JEI).
Peu d’expert-comptables maîtrisent ces sujets, il vaut mieux faire appel à des agences spécialisées.
IV. Comment passer d’une idée à un projet ?
Pour vous aider, voici une liste non exhaustive de questions auxquelles il va falloir absolument répondre pour structurer votre projet.
Au niveau Marketing
– Quels sont les besoins des clients identifiés non satisfaits aujourd’hui ?
– Quels bénéfices concrets sont attendus avec votre projet ?
– Quels sont les concurrents actuels ?
– Quels sont les chiffres clés du marché visé ?
– Comment accéder à ce marché au niveau de la vente/distribution?
Au niveau Technique
Quelles sont les technologies utilisées ou envisagées ?
Quels sont les éventuels besoins techniques manquants ?
Quelles sont les éventuelles compétences externes nécessaires ?
Avez-vous réalisé une veille des solutions techniques possibles ?
Au niveau Juridique
Y a t’il des réglementations ou des normes spécifiques qui concernent votre projet ?
Avez-vous réalisé une recherche d’antériorité pour vérifier que votre idée n’existe pas déjà ? (et que le cas échéant,qu’elle n’est pas protégée)
Au niveau Financier
Quels sont vos fonds propres actuels ?
Quelles sont les sources de financement externes potentielles ?
Quel est le budget prévisionnel par grande phase de votre projet ?
Quel est le plan de financement prévisionnel et surtout le plan de trésorerie ?
Cette première phase doit vous permettre de valider (ou pas) un investissement plus important.
Nous avons accompagné de nombreux porteurs de projet et de dirigeants pour cette phase et voici un résumé des erreurs les plus courantes observées :
1 – Confondre l’offre avec le marché
En consultant Internet, il est facile de confondre l’offre actuelle et la demande réelle du marché.
Ce n’est pas parce que beaucoup d’entreprises mettent en avant un service sur le web, qu’elles vendent réellement ce service.
Rien ne vaut l’expérience terrain avec des micros tests en mode Lean Startup.
2 – Vouloir recueillir le maximum d’informations avant de se lancer
C’est un réflexe naturel, vouloir avoir toutes les informations avant d’investir.
Malheureusement vous n’aurez jamais une vision réelle et complète d’un marché.
Surtout si vous proposez une innovation de rupture où le marché n’existe pas encore !
3 – Demander à ses clients ce dont ils ont besoin
Rappelez-vous la phrase d’Henry FORD, « Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, il m’auraient dit : un cheval plus rapide »
Pour améliorer un produit ou un service, vous pouvez demander à vos clients.
Mais si vous voulez créer quelque chose qui n’existe pas pour vous différencier et être la référence, ce n’est pas la bonne méthode !
Comment faire ? En sortant de votre entreprise et de votre secteur pour penser autrement que tous vos concurrents.
4 – Trop disperser ses efforts
Une erreur courante est de courir après trop de lièvres.
Quand on commence un projet innovant, on pense qu’il a de nombreuses opportunités.
Et il est très difficile psychologiquement de fermer (provisoirement) certaines portes.
Le problème c’est qu’à force de travailler sur plusieurs segments ou plusieurs niches, on disperse son énergie et son argent.
Il vaut mieux essayer à 100% une à deux niches pendant plusieurs mois.
5 – Sous-estimer la distribution de votre produit/service
Nous constatons régulièrement une sous-estimation des difficultés pour accéder à un marché.
Notre monde moderne est très structuré.
La plupart des marchés sont matures, c’est à dire qu’ils sont vérouillés par les acteurs en place.
Il faut donc bien réfléchir et anticiper les moyens pour accéder aux clients.
En général il y a des surprises quand on découvre les termes de négociation entre les producteurs et les distributeurs…
Et ce ne sont que quelques observations issues du terrain.
J’espère que cet article vous a donné envie d’innover et surtout de bien préparer votre projet !