(Article rédigé par Nicolas Depoorter, Samuel Dixneuf & Camille Balduyck – Temps de lecture : 7 minutes)
« Je suis convaincu que la pérennité d’une entreprise se construit en conjuguant la performance économique et le bien commun. Ce nouvel outil va nous permettre de créer de la valeur autour de nos parties prenantes. »
Ce nouvel outil, dont parle Bris Rocher*, PDG du Groupe Rocher, c’est la Société à Mission ; un nouveau dispositif récemment introduit par le législateur afin d’inciter les entreprises à placer l’intérêt général au coeur même de leur activité.
Avec l’adoption de la loi Pacte le 11 avril 2019, le Parlement français a en effet initié une petite révolution dans le monde des entreprises. En plus de dépoussiérer l’article 1833 – inchangé depuis plus de deux siècles – en précisant que les sociétés doivent désormais « prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leurs activités » (et non seulement les intérêts de leurs associés/actionnaires), le texte est venu instaurer deux nouvelles dispositions applicables à l’ensemble du tissu économique français :
> Les entreprises sont invitées à définir leur raison d’être, et à l’inscrire dans leurs statuts ;
> Elles peuvent également se doter d’une mission, c’est à dire d’objectifs sociaux et environnementaux clairement énoncés, et ainsi devenir des Sociétés à Mission.
Au-delà de ces considérations sémantico-juridiques, la loi Pacte vient surtout officialiser une réalité de plus en plus prégnante : l’entreprise du 21e siècle est sollicitée de toute part – par ses salariés, ses clients, ses partenaires, la société dans son ensemble… – pour endosser un autre rôle. Elle ne peut plus faire fi de son écosystème en se focalisant exclusivement sur des indices de performance économique. En d’autres termes, elle doit tirer sa capacité de résilience d’un projet collectif porteur de sens tourné vers la génération de valeur pour l’ensemble de ses parties prenantes. L’entreprise du 21e siècle doit savoir pourquoi elle existe, prouver son utilité sociétale et définir ainsi sa raison d’être, véritable boussole de l’organisation.
« Les deux jours les plus importants de votre vie sont le jour où vous êtes né et le jour où vous découvrez pourquoi » – Marc Twain
Peu après, aux Etats-Unis, le 19 août 2019, un séisme inattendu ébranlait les certitudes du monde économique. Le Business Roundtable, un lobby américain pourtant très conservateur revisitait les codes de l’entreprise : il soulignait lui aussi la nécessité de s’éloigner d’un management centré sur les intérêts des actionnaires pour se tourner vers une nouvelle culture de prospérité partagée. 33 entreprises B Corp se saisissent alors de ce moment historique et se fendent d’une tribune dans le New York Times invitant les entreprises du lobby à se “mettre au travail” avec elles pour provoquer un véritable changement.
Etre performant → S’engager
S’engager → Etre performant
Alors, que faire pour changer le monde ? Une entreprise est-elle obligée de devenir Société à Mission pour prouver son utilité sociétale ? Quid des nombreux labels qui viennent évaluer et structurer les démarches d’engagement (B corp, Lucie…), quid des normes RSE, des actions philanthropiques, de la conformité aux Objectifs de Développement Durable, de l’Économie Sociale et Solidaire… ?
Les dispositions de la loi Pacte viennent en réalité compléter un arsenal déjà bien fourni d’outils juridiques et pratiques dont les entreprises peuvent se prévaloir pour formaliser leurs engagements et les renforcer. Une boîte à outils au sein de laquelle il n’est pas toujours aisé d’y voir clair ni de bien saisir la portée des options disponibles afin d’engager son entreprise dans l’une ou l’autre de ces démarches.
Cependant, au-delà de tous les dispositifs actuellement disponibles, nous portons la conviction qu’il convient surtout pour l’entreprise de faire preuve de sincérité dans sa démarche. Les solutions sont là, nombreuses, variées, à elles d’évaluer celles qui semblent les plus adaptées à leur situation et les plus à même de leur permettre de contribuer au mieux aux grands défis sociétaux de notre temps.
Prenons l’exemple de l’entreprise Faguo, que nous avons le plaisir d’accompagner depuis début 2019 sur ces sujets.
Depuis 10 ans déjà l’entreprise mesure, réduit et compense son impact environnemental via la réalisation d’un Bilan Carbone tous les 5 ans permettant de se fixer ensuite des objectifs de réduction sur les matières utilisées, le transport, le packaging etc. Nicolas Rohr, l’un des deux co-fondateurs nous a toutefois contacté car il souhaitait aller un cran plus loin dans l’engagement environnemental et social de la marque.
Dans un premier temps, nous avons ainsi réalisé avec une partie de l’équipe un atelier d’intelligence collective visant à faire émerger leur vision et la mission qu’ils se donnent pour l’atteindre.
Résultat: “Engager notre génération contre le dérèglement climatique” constitue aujourd’hui la mission officielle de Faguo.
Pour éviter de demeurer dans une vague déclaration d’intention, nous avons ensuite travaillé à l’élaboration d’un plan d’actions à mettre en oeuvre afin de déployer opérationnellement cette mission au sein de l’entreprise. En outre, Faguo a fait le choix d’inscrire cette mission au sein même de ses statuts afin de lui conférer un caractère contraignant et de l’imposer aux dirigeants sur le long terme. Enfin, un comité de mission a été constitué, rassemblant divers experts et parties prenantes (et auquel nous sommes fiers de participer) pour mesurer chaque année la performance de l’entreprise vis-à-vis des objectifs sociaux et environnementaux qu’elle s’est fixée.
Des mesures qui permettent ainsi à Faguo de se prévaloir du statut de Société à Mission, au sens de la loi Pacte, depuis janvier 2020 (voir aussi le livre blanc “Entreprise à mission » écrit par la marque).
Enfin, aussi bien pour valoriser les engagements déjà pris que dans un souci d’amélioration permanent, Faguo souhaite aujourd’hui obtenir la certification B Corp – un label international, parmi les plus exigeants, permettant de mesurer la performance sociale et environnementale d’une entreprise tant sur le plan de sa gouvernance que sur son business model et ses activités opérationnelles. Nous accompagnons à nouveau l’entreprise dans cette démarche en tout point complémentaire de celles déjà engagées par la marque.
Dans chacune de nos missions d’accompagnement, nous prenons le temps de discuter avec toutes les parties prenantes de l’entreprise pour comprendre son histoire, sa culture et sa démarche. L’axe de développement interne est donc choisi collectivement puis co-construit. Il ne peut efficace que si la vision est partagée et portée par l’ensemble de l’entreprise. C’est ainsi que peut s’amorcer un véritable engagement.
Et AIR coop dans tout ça ?
Labellisée B Corp depuis 2015, membre du 1% pour la Planète grâce auquel 1% de notre CA est reversé à des associations environnementales (nous reversons notre 1% à Sylv’acctes, qui accompagne les dynamiques de résiliences naturelles de l’écosystème forestier français), acteur de l’Économie Sociale et Solidaire, structurée en un format coopératif innovant (Scop CAE), AIR coop est intrinsèquement une entreprise particulièrement engagée, et cherche en permanence à l’être davantage.
Ainsi, et parce que notre organisation évolue constamment, en particulier par l’arrivée de nouveaux coopérateurs et de leurs écosystèmes, il nous a semblé nécessaire de profiter de la période de confinement que nous venons de vivre pour retravailler nous aussi les piliers de notre identité afin de refléter au mieux la diversité et les engagements qui constituent notre ADN.
Ce travail collectif particulièrement riche d’enseignements nous a ainsi permis d’aboutir à la formalisation de la raison d’être suivante: « Incarner, expérimenter et essaimer des modèles d’organisation à haute valeur sociétale.»
Dans ce cadre, nous nous sommes également fixés la mission suivante:
Donner envie.
Provoquer le changement.
Accompagner vers un impact positif.
Faire ensemble.
HAVE FUN. DO GOOD. BE CREATIVE
Cette “nouvelle” identité, nous avons souhaité l’inscrire dans nos statuts et l’assortir de 5 engagements forts, dont un comité des sages suivra et évaluera les évolutions chaque année:
1/ Développer une organisation collective centrée sur l’épanouissement et l’interdépendance de ses membres
2/ Contribuer à l’émergence d’une économie plus solidaire, positive et résiliente
3/ S’engager pour la régénération de nos écosystèmes
4/ Obtenir un bilan carbone positif d’ici 2025 (mesurer, réduire, compenser)
5/ Participer à la création de communs
Enfin, AIR coop profite du processus de re-certification B Corp dans lequel elle est actuellement engagée – une étape nécessaire, tous les 3 ans, pour les entreprises bénéficiant du label – pour faire le point et prendre de nouvelles mesures portant sur son mode de gouvernance, son modèle d’affaire ou encore son impact opérationnel.
Remis à jour régulièrement, le questionnaire B Corp (ou BIA = B Impact Assessment) est en effet toujours plus exigeant, et invite les entreprises à améliorer sans cesse leurs pratiques pour le bien de tous.
Même pas peur !
*Novethic, 9 janvier 2020