(Ou libre tribune d’un coopérateur construite autour d’une bière locale)
Je m’appelle Louis-Marie, j’ai 34 ans. Je ne suis rien, mais tout pour moi, et beaucoup pour certains. Je ne suis pas un héros, sauf peut-être pour quelques-uns. Je ne peux rien, sauf tout ce que je peux. Et oui, je suis schizophrène.
Avant je ne le savais pas. Avant, je croyais que j’étais trop fort, super utile, vachement engagé. Un perturbateur positif. Un électron libre et libéré. Un consultant chez AIR Coop. La classe internationale. C’était bien, avant. Je passais mon temps avec mes clients à chercher à avoir un impact positif sur le monde. Des clients super chouettes, de ceux qui font rêver. La classe, je vous dis. Et le reste du temps, je grimpais, je faisais du paddle, du ski, et le monde sur mon canapé ou autour de tables-rondes. C’était bien, avant !
Et paf, uppercut dans ta face !
Et puis me voilà un soir, tranquille, mon cousin et 2 de ses amis à la maison (20 ans ?), à programmer la journée de ski de rando du lendemain. Tranquille. Un petit feu dans le poêle, un verre de rouge à la main. Tout bien. Et moi, grand philosophe, de demander à un des copains que je ne connaissais pas s’il était heureux dans la vie. Bien la question.
Et lui de me répondre, tranquille : « Non. Quelles bonnes raisons j’aurais d’être heureux dans la vie ? »
Et le voilà qui se reprend une petite gorgée de vin. Tranquille je vous dis. Pour la faire courte, je résumerais les 15 minutes qui ont suivi par : « A 20 ans, on a besoin de se projeter vers demain. De croire en demain. Mais pour nous, c’est quoi demain ? La fin du monde. C’est pas nous qui le disons. C’est ce que l’on nous dit depuis qu’on est gamin. 2050. La fin du monde ». Va grandir dans ce futur.
Et bim. Coup de boule.
Changement climatique. Migrants. Biodiversité. Forêts primaires. Qualité de l’air. Pétrole. Argent. C’est vrai en fait, il est où le signal vert ? Celui qui donne envie ? Celui qui permet de rêver ?
Et moi, grand philosophe, qui sort la phrase qui tue (Attention, ça va faire mal) : « Arrêtez de vous sentir coupables alors même que vous n’êtes pas capables ». Parce qu’à 20 ans, vous n’avez pas le/de pouvoir. Alors que moi, à 34…
Une gorgée de vin. Et là, alors là…
« D’accord. Et t’as fait quoi depuis 10 ans ? Tu sers à quoi ? »
La question la plus simple du monde. Mais tellement juste. Résultat ? Après 10 ans d’action auprès des stations de ski, on fait encore cocorico pour 10m2 de panneaux solaires… Satisfaisant ?
Et paf, uppercut dans ma face !
Schizophrène, je n’ai plus le temps.
On va faire du « WE Demain », je vais vous donner ma raison d’être aujourd’hui : Je veux permettre à des étoiles de briller. Je veux permettre à des jeunes de rêver. C’est mon combat. Et voilà ma mission : Rêver. Faire rêver. Permettre de rêver. Syndrome de Peter Pan. Montrer l’exemple, et donner envie. Et apporter les moyens. Et voilà le sens de mon action auprès de mes clients : Les aider à répondre à leurs missions pour qu’ils m’aident à répondre à la mienne.
Alors oui, soyez prêts, y’a de l’uppercut dans l’air. Parce que finalement, ça fait vachement du bien un petit uppercut de temps en temps. Oui, je suis vraiment fier de travailler pour et avec les Menuires. Pour et avec le Grand Bornand. Pour et avec l’INSEP. Pour et avec Arkose. Parce que sans eux je ne peux rien (ou beaucoup moins), et parce qu’ils sont des femmes et des hommes riches de valeurs, d’utopies et de peurs. Et parce qu’on s’est rendu compte qu’on partageait un point commun : on est tous schizophrènes !
Une station de ski qui parlerait développement durable ? N’importe quoi ! Que des ogres, des aménageurs, des méchants capitalistes aveugles ! Des sportifs internationaux qui parlerait développement durable ? N’importe quoi ! Ils prennent l’avion tout le temps rien que pour se faire plaisir. Des piles de muscles à haute teneur en carbone. Des associés entrepreneurs développeurs qui parlent de développement durable ? N’importe quoi ! Des businessmen avides qui pressent leurs salariés pour en retirer le max.
Dont acte. On assume d’être celles et ceux qui font partie du problème. Celles et ceux qu’on montre si facilement du doigt. Et moi le premier. Oui, je roule au diesel et je suis un rider, j’aime les stations. Oui, je mange de la viande parfois et je fais des courses chez Lidl. Et je ne lis même pas WE Demain ! Aucune légitimité pour parler DD.
Ok, j’assume. Et bam, uppercut dans ta face, je le revendique même ! Plus de complexe. Une saine réalité. Alors les copains, et mes très chers clients, on va assumer notre schizophrénie. Assumer notre identité. Assumer de ne pas être parfaits et de ne pas pouvoir l’être. Faisons péter les complexes, et chantons sous la pluie ! Nous, les pourris du monde moderne, voulons prendre la parole ! Oui, nous nous approprions les enjeux de notre monde ! Oui, nous nous reconnaissons comme source du problème et de la solution ! Oh que non, nous n’avons pas toutes les réponses, mais on veut bien poser toutes les questions.
Je n’ai plus le temps. Pas que je sois pressé, ou oppressé. Non. Je n’ai juste plus de temps à perdre, et plus envie de perdre mon temps. Je ne veux plus faire de réunion bidon. Je ne veux plus faire de bilan carbone inutile (ou inutilisé). Je ne veux plus faire de conférence où l’on pose des questions dont on a déjà la réponse. Je ne veux plus faire des « diagnostics » et des « benchmarks » parce que c’est cool. Je ne veux plus qu’on vienne voir AIR pour savoir s’il faut mettre 3 toilettes sèches ou comment on fait un ski éco conçu. Ooooh ! On est en 2019 les gars !! On sait faire tout ça depuis des années !!! C’est comme pour les couches lavables, suffit de taper sur Google et bim, t’as la réponse.
Ooooh les stations ! Arrêtez de faire des « diagnostics Développement Durable » ou des bilans carbone ! On a déjà les réponses ! Le DD, c’est le boulot des élu·e·s, et oui, oui, oui, beaucoup font ça bien, même si pour la plupart des gens ce ne sera jamais assez. Elu·e·s, qu’on montre du doigt, qu’on accuse, vous avez toutes ma reconnaissance pour votre engagement et votre travail. Ça fait 15 ans qu’on parle de mobilité, de déchets, de biodiversité, de ressources naturelles, de qualité de l’air en station de montagne, et qu’on s’active. Vous croyez quoi ? Qu’on est vraiment tous des méchants et des incompétents ?
Oooh les marques ! Arrêtez de faire des ACV après avoir fait le produit ! Arrêter de demander si et comment on met du coton bio dans les vêtements ! On a déjà les réponses ! On est en 2019 les copains ! Non, un ski, une chaussure de trail, ne sera jamais éco conçu(e) ! C’est bon, on assume et on passe à la suite ?
Oui, on va faire mieux, encore mieux, et toujours mieux. Promis. Notre boulot, votre boulot du quotidien. Votre savoir-faire. Et si y’en a un ou deux chez vous qui veulent pas ou veulent pas savoir, et bah, on prend ses responsabilités et on les vire ! Y’a plus le temps je vous dis.
Je suis très heureux !
Je m’appelle Louis-Marie, j’ai 34 ans. Je ne suis rien. Et je suis très heureux. Parce que j’ai compris qu’on pouvait encore tout faire parce qu’on n’avait encore rien fait. Rien, à la hauteur de ce que l’on pourrait facilement faire.
Hier, je croyais que je faisais beaucoup. Que je faisais bien. Que je ne pouvais pas faire plus, et s’en était décourageant. Mais je me trompais. Je ne faisais rien, parce que je ne le faisais pas (suffisamment) bien.
Je me suis pris un uppercut, et j’ai commencé à en donner. Et vous savez quoi ? Ça ne fonctionne pas si mal que ça. On parle vrai. On se dit les choses. On parle de crainte, d’envie, et de culot. On parle de nous. La vraie vie. Le monde réel. Ça bouscule, et c’est tant mieux, car c’est ce qu’attendent les jeunes : qu’on se bouge juste un peu. Qu’on montre qu’on est conscient, qu’on est là.
Oui, tout le monde ne peut pas comprendre, et ça ne sera pas parfait. Parce qu’une station, une marque ou une entreprise ne sera jamais parfaite. Oui, on va nous taguer de greenwasher, d’opportunistes, de menteurs.
Mais qu’est-ce qu’on risque ? A part greenwasher, on nous (enfin surtout vous) traite déjà de voleurs et de menteurs, alors bon. Faut arrêter d’attendre d’être « assez bien » pour pouvoir prendre la parole, dire ce qu’on fait, ce qu’on pense, ce qu’on croit ! On ne sera jamais « assez bien ». On est ce qu’on est, avec tous nos défauts et nos complexes, et c’est déjà vachement bien !
Demain, j’y crois. Et demain a déjà commencé. Certains de mes clients vont oser assumer leurs réalités et leurs convictions, et vont prendre la parole. Demain, ils engageront leurs marques au service de ce qu’il y a de plus beau : permettre aux étoiles de briller. Permettre aux jeunes de rêver.
Merci Greg, Steve, Céline, Stéphane, Samy, Lyes, Marlène, Yannick, Isabelle, Géraldine, André, Diane, Anne-Marie, Florian (…). Vous portez aujourd’hui les marques de demain. Merci. Vous me donnez le droit (et les moyens) de rêver, et de permettre de rêver. En fait, c’est bon d’être schizophrène !
Merci AIR Coop. Sans toi, je n’en serais pas là !
Ah, et oui. Cousin, mon cher cousin. Je m’étais trompé. Tu as du pouvoir. En tout cas celui de changer positivement ma vie. Alors merci. J’espère te rendre fier, et te permettre de rêver un tout petit peu. Rappelle-moi ma mission, et si jamais, n’hésites pas : juste là l’uppercut, droit dans ma face !
Et vous tous, schizophrènes, pourris du monde moderne et complexés, venez avec nous ! Sortons du placard et allons danser sous la pluie. Et si vous avez envie d’un petit uppercut, vous savez où frapper.
Louis-Marie Vivant, novembre 2019